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Byron
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Samuel Rogers and his Contemporaries
Ugo Foscolo to Samuel Rogers, 19 February 1818
INTRODUCTION & INDEXES
DOCUMENT INFORMATION
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Preface
Vol. I Contents
Chapter I. 1803-1805.
Chapter II. 1805-1809.
Chapter III. 1810-1812.
Chapter IV. 1813-1814.
Chapter V. 1814-1815.
Chapter VI. 1815-1816.
Chapter VII. 1816-1818.
Chapter VIII. 1818-19.
Chapter IX. 1820-1821.
Chapter X. 1822-24.
Chapter XI. 1825-1827.
Vol. II Contents
Chapter I. 1828-1830.
Chapter II. 1831-34.
Chapter III. 1834-1837.
Chapter IV. 1838-41.
Chapter V. 1842-44.
Chapter VI. 1845-46.
Chapter VII. 1847-50.
Chapter VIII. 1850
Chapter IX. 1851.
Chapter X. 1852-55.
Index
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‘Mon cher Monsieur,—Vendredi, à peine rentré chez moi j’ai été obligé de me faire appliquer un vessicatoire sur la poitrine, ce qui m’a empêché de vous écrire de suite, et je n’avais personne à qui dicter ma lettre. Je commence, monsieur, par vous répéter les sentimens les plus sincères de mon cœur pour les soins que vous prenez avec tant de bonté pour un étranger qui a peu de titres à votre affection, et qui ne vous donne que de nouvelles peines. Veuillez bien dire les mêmes choses à Mr. Allen. Puisque la nécessité me force d’écrire pour vivre (quoique je doute s’il est necessaire que je vive) tous les jours sont précieux pour moi; et tout moment de travail perdu aujourd’hui peut m’être funeste demain, d’autant plus que dans ma manière de travailler il y a deux fatalités inhérentes, et qui sont plus fortes que tous mes raisonnements et mes tentatives pour les éviter. Premièrement, lorsque je pense et écris sur un sujet, je ne puis pas brider mes idées, ma mémoire, on ma plume. Il m’est dernièrement arrivé d’écrire quinze heures de suite et vingt-sept pages dans un jour. Mais il me faut quinze et quelquefois vingt-sept jours pour arranger le désordre inséparable de l’abondance, pour donner la substance

1 Some obvious slips in grammar and spelling have been corrected, otherwise Foscolo’s French has been left untouched.

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des idées sans leur indigestion, pour citer les faits avec exactitude et l’érudition sans pédanterie; enfin pour placer le sujet avec ordre et donner à chaque partie le style convenable—en second lieu (je ne sais si par trop d’égards pour moi ou pour le public), je suis si difficile à me contenter de ce que je fais, qu’avant de donner mon livre à l’imprimeur, il me faut entre la composition et la publication un intervalle de temps convenable pour l’examiner avec l’esprit calme. Il est vrai que l’homme dans le besom ne doit pas avoir autant d’égards pour sa réputation ni pour les acheteurs de ses livres; mais je ne suis pas loin de ma quarantième année, j’ai fait bien des sacrifices pour tout ce que je crois honneur et conscience, je ne puis pas me changer, et je répète que ma manière de sentir et d’agir, à ce sujet, l’emporte sur tous mes raisonnemens.

‘Mais puisque ces deux difficultés détruisent, pour ainsi dire, une grande partie de mon temps, il faut que je tâche d’en perdre le moins possible, d’autant plus que la grande assiduité et rapidité de travail détruisent aussi ma santé et je suis depuis trois semaines dans un état continuel de fièvre, d’insomnie et de langueur.

‘J’ai fait une partie de mes lettres sur le plan dont j’ai souvent parlé à vous et à Mr. Allen et que j’ai envoyé tracé dans une préface à Lord Holland et que vous avez tous approuvé. Mes lettres sont un parallèle des Usages, de la Littérature et de l’Histoire politique d’Angleterre et de l’Italie. Je les ai divisées en trois séries selon les trois sujets; je voulais commencer par publier le premier volume qui traite des Usages.

‘Mais en écrivant et en préparant mes matériaux j’ai
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vu s’accroître à chaque instant en nombre et en poids bien de difficultés que j’avais d’ailleurs prévues, mais sans m’apercevoir de toute leur conséquence. D’abord le sujet est très vaste, il exige des grandes lectures de toute espèce. Il est dangereux pour un homme exilé, et qui doit parler tantôt bien et tantôt mal de la nation où il s’est réfugié; et provoquer la critique avec des armes inégales: et les voyageurs avant de publier leurs opinions sur les nations étrangères se retirent dans leur propre pays. Enfin ma langue, ma diction trop Italienne combinée avec ma manière particulière d’exprimer mes idées, s’opposent à une bonne traduction en Anglais; surtout les lettres qui traitent des Usages exigent que la petitesse de la matière soit relevée par l’imagination et le ridicule. En parlant d’une nation barbare, ou nouvellement découverte, il suffit d’écrire ses usages avec simplicité: la nouveauté et la curiosité font le reste. Mais le beau monde en Europe est presque partout le même; et il est indispensable que l’esprit et le style de l’auteur soient comme une espèce de microscope qui aide les différentes sociétés de l’Europe à distinguer leurs nuances respectives. C’est pour cela que
Montesquieu et Goldsmith ont fait écrire leurs lettres par des Persans et des Chinois; mais malgré que par cette précaution ils ont pu peindre à grands traits, les objets étaient trop menus et trop connus aux yeux de leurs lecteurs; et par conséquent ils se sont aidés des attractives du style et du ridicule. Mais les Lettres Persanes traduites ne font pas la dixième partie de l’effet.

‘Comme cette difficulté de la traduction est la seule importante au libraire, je me suis livré à la providence—
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puisque ma fortune le veut ainsi—relativement aux autres difficultés qui dépendent aussi un peu de moi, et j’ai envoyé à
Mr. Murray une longue lettre écrite avec assez d’originalité et de humour et de tournure de style, et de verve, afin qu’il la fasse essayer par un traducteur de sa confiance.

Mr. Murray m’a dit qu’en Angleterre on aime les quotations même dans les sujets qui ne sont pas littéraires; je me crois en état de lui complaire; mais je n’ai presque d’autres livres que ma mémoire. Il est bien facile de dire que j’aille consulter les bibliothèques de mes amis; mais il est difficile de sortir chaque jour de chez soi pour courir les maisons des autres chercher des ouvrages que souvent on ne trouve pas, troubler ses amis, prier pour chaque livre qu’on désire et en même temps avoir assez de calme et de loisir pour continuer son ouvrage.

Mr. Murray a senti ces difficultés et même il les a prévenues, et a eu la bonté de me dire qu’il me fournirait ou me ferait prêter les livres dont j’aurais besoin; je lui ai envoyé une note de classiques Grecs et Latins et de quelques autres auteurs. En attendant, depuis que je travaille j’ai été souvent forcé de marcher jusqu’à Londres pour consulter un livre, et souvent aussi j’ai dû en acheter, en dépensant les trois choses dont je n’ai pas du reste, le tems, l’argent, et la santé.

‘Il est donc de toute nécessité que je sache positivement quelle espèce d’ouvrage Mr. Murray croit plus utile à ses intérêts et aux miens, afin qu’aux autres dommages je ne sois pas obligé d’ajouter la dépense de faire transcrire des manuscrits.

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‘Vous m’avez dit, Monsieur, que maintenant il désirerait un ouvrage qui traite principalement de Littérature Italienne. Je préférerais de mon côté aussi et pour la tranquillité de ma vie et pour mon caractère, de ne m’adonner qu’à l’histoire critique littéraire, et je crois d’être pourvu d’assez de moyens pour cette branche de travail. La traduction seroit plus aisée, car le style demanderoit moins d’effusion naturelle d’âme, moins d’art et d’imagination; et se borneroit à l’élégance et à la clarté nécessaires à la narration et au criticisme.

‘Je donnerais donc pour perdu ou je réserverais pour d’autres occasions le travail que j’ai fait jusqu’ici, et je traiterais uniquement de littérature; mais il faut que je sois positivement assuré de trois choses

‘1°. Si Mr. Murray déclare de se servir de mon travail après qu’il sera fait.

‘2°. Combien d’argent approximativement il serait disposé à dépenser pour deux volumes, chacun de 400 pages environ in 8° à 30 lignes par page et 40 lettres par ligne.

‘3°. Sur quel plan il voudrait que l’ouvrage fût fait—si en forme épistolaire, et par matière, comme par exemple, poésie, histoire, éloquence, et la poésie subdivisée en épique, tragique, satirique, &c., avec des subdivisions pareilles dans les autres branches—ou si par époques d’histoire en commençant depuis le 13e siècle jusqu’à nos jours. La première manière peut se traiter en lettres, en y mêlant aussi des observations comparatives sur la littérature anglaise. La seconde exige d’être traitée dans un cours chronologique.

‘Mais quant au plan on peut l’arranger facilement;
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pour le moment ma position me force à exiger une réponse définitive sur les deux premières questions. Il est indispensable que le contrat soit fait d’avance, au moins pour le premier volume; et d’après le bon ou le mauvais succès, l’on s’arrangera sur le second.

‘Si Mr. Murray désire que je continue dans mon projet primitif, l’ouvrage sera en trois volumes et il faudra aussi commencer pour convenir sur le prix; mais ayez la bonté de le prévenir que la traduction du premier volume qui traite des Usages sera tout à fait difficile; que le second volume traite de la litterature plus vaguement que dans le plan proposé au dessus qui n’aura d’autre but que la Littérature Italienne, et l’influence que les révolutions politiques, les mœurs, les auteurs de l’antiquité et les livres des nations modernes ont exercés sur elle.

‘Dans tous les cas j’ose vous prier d’arranger avec Mr. Allen les choses de manière que je sache positivement ce que je dois faire et sur combien d’argent je pourrai compter à la fin de mon travail. Il faut, mon cher Monsieur, que je me sente le cœur rassuré sans craindre l’avenir ou les dettes, sans éprouver l’humiliation de la honte, sans faire à chaque instant des combats pour relever mon esprit tandis que mon âme par la force de mes circonstances retombe dans la prostration. Dans ces combats toutes mes facultés s’épuisent, et je crains fort qu’elles dépériront bien vite—

‘Pectora nostra duas non admittentia curas.

‘Vous, Monsieur, et mes amis m’avez fait oublier une grande partie des désagremens de l’exil; mais l’homme
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dans mon état de solitude et d’infirmité et sans espérances pour l’avenir, ne peut pas trouver, ni ne doit pas chercher des soulagements que ou dans les personnes qui l’ont connu depuis son enfance, ou dans soi-même. Il est donc extrêmement urgent que je me hâte à prendre un parti définitif. En retardant, il s’agirait de mon honneur, et si je m’enchaîne avec des dettes je perdrai même la liberté de mourir.

‘Si Mr. Murray ne peut se décider, il est bien que je le sache tout de suite. En continuant de travailler pour lui, les livres qu’il a promis de me fournir me seront indispensables; différement (sic) ils me sont inutiles; et je vous prie de le remercier et de lui exprimer ma sincère reconnaissance, d’autant plus qu’à cette promesse il a souvent ajouté des présents de ses publications et toujours avec des manières nobles et obligeantes. Et quant à vous, Monsieur, et à Mr. Allen, je vous donne la plus grande preuve de ma reconnaissance et de ma confiance en vous ouvrant la triste position de mon état. Pour que vous puissiez traiter avec pleine connaissance de cause, j’ai été obligé de vous accabler d’une longue lettre; mais vous avez le bonheur de savoir en tirer bien vite la substance. Pardonnez aussi à un pauvre malade qui dicte comme il peut de son lit, et qui vraiment n’a presque pas de tête; mais je ne perdrai pas la mémoire de vos bontés que lorsque je ne pourrai plus me rappeller de moi-même. Mardi matin je serai chez vous, adieu.

‘Votre Ami,
Hugues Foscolo.
‘Dimanche matin, 19 février, 1818.’